Rétrospective 2016 : Une année de rupture(s) en Amérique du Sud (2/2)
Référendums, crise économique, alternances démocratiques, conflits sociaux ou perturbations climatiques : le moins que l’on puisse dire, c’est que l’année fut riche en actualités en Amérique du Sud. 2016 devrait ainsi marquer un tournant, marquant la fin d’un cycle social et politique de près d’une décennie. Deuxième partie de notre bilan de l’année avec l’Équateur, le Paraguay, le Pérou, l’Uruguay et le Venezuela.
Équateur : l’après-séisme et la fin de l’ère Correa
L’Équateur a été frappé cette année par un terrible séisme de magnitude 7,8 le 16 avril, occasionnant la mort de 671 personnes et des dégâts considérables dans les infrastructures de la côte nord-ouest du pays pour un coût estimé à plus de trois milliards de dollars. La crise a été relativement bien gérée par le gouvernement du président Rafael Correa qui a pu débloquer les fonds nécessaires et utiliser l’aide internationale à bon escient pour aider les zones sinistrées, même si la reconstruction prendra plusieurs années. Correa vit d’ailleurs ses derniers mois comme leader de l’Équateur. En effet, au pouvoir depuis 2007 avec un projet de « révolution citoyenne socialiste », Correa ne se représentera pas aux élections de février en dépit d’une révision constitutionnelle qui ne limite plus le nombre de mandats. Tout l’enjeu sera de trouver un successeur à cette figure notable de la gauche sud-américaine, qui peut se targuer d’un bilan relativement positif dans la mesure où la pauvreté a grandement reculé – bien que le pays ait pâti de la chute des cours du pétrole – tout comme la violence. Malgré cela, les conflits récents avec les populations indigènes concernant l’exploitation minière ont mis en avant une certaine dérive du régime que ce soit en terme d’autoritarisme ou de soumissions aux multinationales extractivistes.
Paraguay : gérer les aléas climatiques et la déforestation
Comme d’autres pays de la région, le Paraguay a été particulièrement marqué par les conséquences du phénomène météorologique El Niño qui a causé d’importantes inondations ayant endommagé de nombreux bâtiments de ce pays encore relativement pauvre et obligeant à l’évacuation de dizaines de milliers de personnes. La question environnementale a été au cœur des préoccupations dans le pays guaraní puisque la déforestation massive dans la région du Chaco affectant les populations indigènes a été un thème politique majeur dans l’année écoulée. Le gouvernement de l’ancien entrepreneur controversé Horacio Cartes a été accusé d’irresponsabilité dans sa gestion du droit des populations natives.
Pérou : « PPK » entre divisions internes et ouverture internationale
Succédant au socialiste Ollanta Humala, Pedro Pablo Kuczynski (surnommé « PPK ») a été élu de justesse à la présidence du Pérou face Keiko Fujimori, la fille de l’ex-dictateur Alberto Fujimori. Depuis son élection, il se doit de négocier au Congrès avec le parti fujimoriste, dans la mesure où ce dernier y est largement majoritaire, ce qui n’est pas sans poser de problèmes. En effet, les appels à la dissolution du Congrès se multiplient suite à la censure par celui-ci du ministre de l’Éducation, Jaime Saavedra. PPK s’est montré particulièrement actif à l’international, signant un accord bilatéral de coopération avec la Chine et en se rapprochant de la Bolivie et du Chili – avec qui les relations ont pu être parfois difficiles dans le passé – par des visites d’État et la signature d’accords. Le Pérou continue d’afficher une croissance économique favorable par rapport à ses voisins sud-américains, qui devrait monter à 3,7% du PIB. Toutefois, l’économie souterraine et le narcotrafic sont des préoccupations qui sont encore loin d’être réglées par l’État Péruvien.
Uruguay : victime des crises argentine et brésilienne ?
Le successeur de l’emblématique José Mujica, Tabaré Vázquez, tente de poursuivre la politique de développement social mise en œuvre depuis plusieurs années en Uruguay et qui a réduit significativement la pauvreté de la population. L’État Uruguayen a ainsi implanté des programmes d’infrastructure, d’accès au système de santé et à l’éducation. Toutefois, Vázquez a quelque peu changé son fusil d’épaule en souhaitant ouvrir davantage son pays aux investissements étrangers et lutter contre le déficit public. Depuis quelques années, la croissance du pays faiblit, en raison des crises traversées par ses immenses voisins que sont l’Argentine et le Brésil, dont l’Uruguay est particulièrement dépendant. De plus, les inondations massives de la première moitié de l’année dues à El Niño ont engagé l’État d’importantes dépenses de reconstruction, obligeant le parlement à des réajustements budgétaires sur les programmes sociaux.
Venezuela : au bord de l’implosion
Au Venezuela, la crise économique traversée depuis 2014 s’est intensifiée. Liée à la chute des cours du pétrole dont le pays est exportateur et dépendant, cette crise a entraîné des pénuries concernant les produits de première nécessité – médicaments et nourriture notamment – en raison d’une hyperinflation et d’une forte récession (-8,0% prévus pour 2016). L’héritier d’Hugo Chávez, Nicolás Maduro, s’est avéré incapable de répondre à la crise économique et semble dériver vers un régime de plus en plus autoritaire. 2016 aura été une année de perdue pour le Venezuela : depuis la victoire de l’opposition aux dernières législatives de décembre, le système politique est totalement paralysé, empêchant l’État de prendre des mesures pour faire face aux défis proposés, malgré l’état d’urgence économique décrété. L’opposition tente d’effectuer un référendum révocatoire contre Maduro, tandis que ce dernier utilise tous les moyens à sa dispositions pour l’empêcher. Cette situation a complètement isolé le pays à l’international. Par exemple l’emprisonnement d’un journaliste chilien venu couvrir les manifestations a considérablement tendu les relations du pays avec le Chili. Surtout, le Venezuela a été suspendu le 1er décembre 2016 du MERCOSUR, ayant perdu ses alliés de gauche au sein de l’institution avec la destitution de Dilma Rousseff et la fin du mandat de Cristina Kirchner. La frontière avec la Colombie est sujette depuis plusieurs mois à des fermetures régulières et est devenue une source de tensions entre les deux pays. Ce qui inquiète les observateurs, c’est qu’à court terme le pays apparaît comme bloqué et que la colère sociale risque de dégénérer dans les mois à venir si la situation économique continue de s’effondrer.
La première partie de notre bilan concernant l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili et la Colombie est disponible ici.